Egalité des chances ? L’école est en échec

Non, en Belgique, les résultats scolaires des élèves ne sont pas indépendants de leur origine sociale. Dans l’enseignement francophone, l’ascenseur social est bloqué entre deux étages. Mais, selon une étude d’Itinera, il y a moyen de le faire redémarrer sans opposer l’excellence à l’équité.

An. H.
Egalité des chances ? L’école est en échec
©Jean-Luc Flémal

Non, en Belgique, les résultats scolaires des élèves ne sont pas indépendants de leur origine sociale. Alors que l’éducation obligatoire est perçue comme un vecteur d’émancipation sociale, “la mission centrale d’égalité des chances de l’école est en échec”, constate rudement l’économiste Jean Hindriks, co-auteur avec Matteo Godin d’une étude publiée lundi par l’Institut Itinera. Le chômage, la précarité professionnelle et la montée de la pauvreté, qui touche durement les familles monoparentales, placent les enfants des familles les plus démunies dans des conditions d’étude difficiles. Il faut répondre à cette réalité en luttant pour l’égalité des chances, insistent les chercheurs.

7 fois plus de chances...

Mais aujourd’hui, l’école ne parvient pas à corriger un handicap initial pour donner aux élèves des chances égales dans la vie. Les élèves issus de milieux plus favorisés obtiennent de meilleurs résultats à l’école et ceux issus de milieux défavorisés, de plus mauvais résultats. C’est en Communauté flamande que l’inégalité des chances est la plus crue : un élève de milieu favorisé a 7 fois plus de chances de faire partie des meilleurs élèves qu’un condisciple d’un milieu précaire. Du côté francophone, c’est 6 fois plus...

Bloqué entre deux étages

Bref, l’ascenseur social est bloqué entre deux étages. Les inégalités sociales se traduisent irrémédiablement (?) par des inégalités scolaires. On ne pourrait donc rien y faire ? Mais si !, insiste le rapport sur “L’égalité des chances à l’école”.

Le changement est même possible sans opposer l’excellence à l’équité, assure l’étude. On peut assurer l’excellence par l’inclusion. Pour améliorer la réussite d’ensemble, il faut viser la réussite de chacun, et celle des plus faibles en particulier, en développant la résilience comme égalité des chances.

Les élèves résilients sont ceux qui, contre toute attente, réussissent et excellent dans leurs études malgré une situation socio-économique difficile. La mobilité sociale mesure la capacité d’une école à créer ce type d’élèves  –ce à quoi s’attache l’étude.

Il faut adopter, chez les élèves et les parents, une approche positive face à l’apprentissage pour aboutir à une mobilité sociale au sein du système scolaire, aujourd’hui très faible en Belgique, à l’inverse de pays comme la Pologne ou le Canade.

L’étude montre d’ailleurs que la mobilité sociale et la performance scolaire (mesurée par le niveau moyen des élèves) sont positivement corrélées au sein des differents systèmes scolaires de l’OCDE. Cela suggère que l’égalité des chances réduit le sentiment d’impuissance face à l’école des élèves socialement défavorisés, ce qui, à son tour, motive les élèves et suscite l’émulation. Et cette idée: “Pourquoi pas moi ?”, quelle que soit l’origine sociale, les accidents de parcours...

Pieds et poings liés

Il existe des systèmes scolaires qui tirent à la fois vers le haut les élèves forts et les élèves faibles et d’autres, “on ne sait pas très bien pourquoi”, qui font le contraire, relève Jean Hindriks. Dans les modes d’organisation de l’enseignement, faut-il les opposer ? Autrement posé : si on soutient mieux les élèves les plus faibles, ne risque-t-on pas de retarder les meilleurs et de rabaisser le niveau moyen des performances ?

Selon des calculs établis par les économistes d’Intinera sur base des résultats Pisa 2012, cette inquiétude ne serait pas fondée. “J’ai tendance à dire: élèves forts, élèves faibles: même combat. Ils sont pieds et poings liés”, poursuit l’économiste.

La comparaison internationale suggère une forte corrélation positive entre les résultats des élèves forts et ceux des élèves faibles. On constate qu’en Flandre, les plus forts et les plus faibles ont un meilleur score que la moyenne belge. C’est la tendance inverse du côté francophone... Explication possible : en relevant le niveau des plus faibles, on augmente mécaniquement le niveau moyen, ce qui a pour effet d’accroître, à son tour, la pression sur les meilleurs.

Les carences des élèves faibles sont en partie attribuables à un mode d’organisation de l’enseignement qui exacerbe les différences, postulent les chercheurs. La question est essentielle et influence forcément la vision de la politique scolaire en matière de redoublement, d’évaluations, de filières, de développement d’un tronc commun ou d’un socle de compétence élargi...

Epinglé

“On sous-utilise les enseignants”

On peut améliorer durablement les résultats des élèves défavorisés en agissant tôt et fort, comme le montrent des expériences menées au Canada, en Angleterre et au Japon. Mais cela requiert un effort pédagogique important.

Ce n’est pas qu’une question de moyens, insiste Jean Hindriks. La Belgique dépense par élève deux fois plus que la Pologne pour des résultats moyens comparables. Elle dispose aussi des taux d’encadrement les plus élevés de l’OCDE. “Ce qu’on sait moins, c’est que la Belgique sous-utilise ses enseignants doublement”. Un : les enseignants prestent un volume horaire par semaine plus faible que dans les autres pays. Deux : 11 508 enseignants nommés qui n’ont pas atteint l’âge de la retraite (près de 10  %) ne se retrouvent plus devant leur classe. N’y a-t-il pas moyen de valoriser ces ressources-là pour faire du tutorat, de l’accompagnement des jeunes en difficulté, du coaching de jeunes enseignants dans les classes ?”

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