Florian Mayneris: "Bruxelles est sous-financée par rapport à son poids économique réel"

Florian Mayneris: "Bruxelles est sous-financée par rapport à son poids économique réel"

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Par Michel Visart et Sandro Faes

Quinze économistes belges ont fait part de leurs prévisions pour 2017 à la RTBF. Parmi eux, Florian Mayneris, chercheur et chargé de cours à l'Université Catholique de Louvain.

Sur l’économie belge

Optimiste ou pessimiste ? Modérément optimiste. Du point de vue macroéconomique, les prévisions faites par l'institut de conjoncture de l'IRES sont plutôt bonnes, malgré des incertitudes encore fortes. Du point de vue des politiques publiques nationales, certaines questions me semblent être sur la table depuis longtemps sans avoir été résolues: transports, inéfficiences générées par les problèmes institutionnels, fiscalité etc.

Qu’est-ce qui vous inquiète ?

Ce n'est pas un motif d'inquiétude mais plus un état de fait: la Belgique étant une petite économie ouverte, la conjoncture économique nationale dépend fortement de la conjoncture mondiale : la santé de l'économie belge dépend donc fortement de celle de ses partenaires. Dans un autre ordre d'idées, les questions institutionnelles me semblent peser fortement sur un certain nombre de décisions et de projets et ce de manière dommageable pour l'ensemble du pays: Bruxelles continue d'être sous-financée par rapport à son poids réel dans la vie économique du pays, ce qui se voit à l'état des infrastructures et de certains services publics au niveau régional. La question des transports me semble aussi vraiment problématique. Les impacts du point de vue de l'environnement, de l'économie et de la qualité de vie sont importants.

Que pointez-vous comme facteur positif ? L'économie belge semble globalement résiliente.

Quelle est la mesure indispensable ? Parce qu'elle relie les questions institutionnelles et celle du financement des services publics, la question de la fiscalité me semble centrale. Une réforme fiscale qui répartisse mieux les contributions entre travail et capital (la situation actuelle étant à la fois injuste et inefficace, même pour une petite économie ouverte comme la Belgique), et qui tienne mieux compte des migrations pendulaires très importantes en Belgique (beaucoup de gens travaillent chaque jour à Bruxelles sans y vivre et donc sans y payer d'impôts) me semble nécessaire.

Sur l’économie internationale

Optimiste ou pessimiste ? Pas tout à fait optimiste. Les secousses de la crise de 2008 sont toujours là, et leurs effets conjugués à ceux d'une globalisation qui effraie de plus en plus favorisent la montée des populismes : le Brexit et Trump en sont un exemple, comme le montre une étude récente sur le lien entre exposition à la globalisation et vote pro-Brexit. En 2017 la France et l'Allemagne seront à leur tour sur la sellette. Et je ne suis pas très optimiste, du moins pour la France...

Quels sont les éléments-clés à suivre ? L'évolution de l'Europe, sur la question migratoire et la monnaie unique. Dans les deux cas, la nécessité d'une coordination plus forte est connue depuis longtemps, mais peine à se traduire dans les faits. Sur l'euro plus particulièrement, même la Commission a reconnu récemment que plus de souplesse dans le pacte budgétaire était nécessaire afin de rendre possible de vraies politiques de relance en cas de besoin. Et pourtant le gouvernement grec a récemment encore été tancé pour vouloir utiliser des ressources additionnelles imprévues à la revalorisation des bas revenus...

D’où viendra, ou non, la croissance ? Je ne suis pas sûr qu'il faille tout attendre de la croissance. Nous sommes probablement entrés dans une période durable de faible croissance. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas améliorer le bien-être des gens. La lutte contre les inégalités, les changements des modes de production et de consommation pour un respect accru de l'environnement, les nouveaux modes de régulation nécessaire en lien avec l'économie collaborative ou le développement de nouvelles formes de travail (travail indépendant, réorientations professionnelles etc.), la gestion de la dépendance liée à l'allongement de l'espérance de vie sont autant de sujets qui intéressent directement le bien-être des gens et ne doivent pas nécessairement être liés à des impératifs de croissance.

Que faut-il attendre de l’économie européenne ? Voeu pieu sans doute, mais espérons plus de coordination sur la crise migratoire, sur l'euro, sur la fiscalité, sur les normes salariales, afin que l'intégration européenne, nécessaire pour nous permettre de peser sur la scène internationale, puisse se faire de manière harmonieuse.

Un souhait pour 2017

Que la montée des dangers populistes amène à la fois les académiques et les politiques à (re)penser les effets de la globalisation et des transformations de nos sociétés sur les travailleurs, les consommateurs, les entreprises et les territoires, afin de concevoir les politiques nécessaires pour assurer à la fois ouverture et protection, les deux n'étant pas nécessairement antinomiques.

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