Afin de redynamiser la zone du Canal, caractérisée par un taux de chômage élevé et un faible revenu de ses résidents, le gouvernement bruxellois a décidé d'offrir des incitants financiers aux entreprises venant s'y installer : extension des aides à l'investissement (la Région bruxelloise pouvant prendre en charge jusqu'à 35 % du coût de ces investissements), aides à l'embauche (avec des subventions pouvant aller jusqu'à 30 % du salaire brut) et, enfin, exemption partielle de la taxe sur les surfaces de bureau (taxe communale pesant sur les entreprises industrielles, commerciales et agricoles). Pour bénéficier de ces aides, les entreprises doivent toutefois respecter une «clause d'embauche locale» : 30 % de leur personnel doit résider dans la zone d'économie urbaine stimulée (ZEUS), qui couvrira plusieurs quartiers le long du Canal, d'Anderlecht à Schaerbeek.
La logique de cette politique est claire et n'est pas entièrement nouvelle : si certaines zones sont caractérisées par un fort taux de chômage, et si les résidents de ces zones ne veulent pas ou ne peuvent pas se déplacer jusqu'aux emplois, alors les pouvoirs publics doivent amener les emplois vers ces résidents. C'est ainsi que la Région wallonne a créé en 2006 des zones franches urbaines et rurales (au nombre de 24 et 52 respectivement). Les entreprises localisées dans les 76 communes désignées comme zones franches bénéficient d'une majoration des aides à l'expansion économique et aux infrastructures d'accueil des activités économiques (ateliers de travail partagé, incubateurs, voierie etc.). Il s'agit ainsi de compenser le déficit d'attractivité de certaines zones par des incitations financières.
La ZEUS bruxelloise est un peu différente des zones franches wallonnes car elle touche certains quartiers spécifiques au sein des différentes communes bordant le Canal, et non les communes entières. Elle est en ce sens plus proche des «zones franches urbaines» (ZFU) mises en place depuis la fin des années 1990 en France ou des «enterprise zones» créées depuis la fin des années 1970 et le début des années 1980 en Angleterre et aux Etats-Unis.
De nombreux économistes ont cherché à évaluer les effets des ces politiques spatialement ciblées aux Etats-Unis, en France et en Angleterre. Quels enseignements tirer de ces travaux pour le cas bruxellois ? Si les résultats sont variables d'une étude à l'autre, en fonction des zones évaluées et des méthodes utilisées notamment, un certain nombre de résultats convergents invitent à la prudence quant à la manière dont ces politiques sont mises en œuvre et aux attentes que l'on y place.
Au final, même si ces politiques de zones franches attirent de nouveaux établissements dans les zones visées, l'impact sur l'emploi des résidents n'a rien d'automatique. En effet, les compétences dont ont besoin ces entreprises ne sont pas nécessairement présentes localement. Par ailleurs, ces établissements, souvent de petite taille, ont déjà leurs propres employés et ne vont pas s'en séparer pour embaucher des résidents. Il faut par ailleurs noter que les travaux existants montrent que les coûts de telles politiques sont souvent élevés par rapport à leurs bénéfices.
Renforcer la clause d'embauche locale ne serait pas à cet égard d'une grande aide. Cela risquerait au contraire de décourager les entreprises de s'installer dans la zone franche et de limiter les effets éventuellement positifs de la politique pour la redynamisation du quartier, au-delà de son impact sur l'emploi des résidents. En revanche, articuler la mise en place des zones franches avec une réflexion sur la formation des résidents est fondamental : il est en effet indispensable de mettre en adéquation les compétences disponibles localement et les besoins des entreprises que l'on attire par ces politiques.