Le prix inouï de la réforme pensions pour les femmes

Les syndicats manifestaient ce matin contre la réforme pensions du gouvernement Michel. Mot d’ordre: non au démantèlement des périodes assimilées qui mènent à des pensions encore et toujours moins élevées. Nous avons demandé à l’économiste Jean Hindriks (UCL) de décrypter cette réforme.

Catherine Ernens
Le prix inouï de la réforme pensions pour les femmes
Les militantes étaient en nombre cette après-midi pour dénoncer «la rupture de contrat du gouvernement Michel concernant les pensions, en particulier les périodes assimilées. ©Photo News

Périodes assimilées moins payées entre colère et anomalie

La grosse colère des syndicats porte sur les périodes assimilées qui seront moins indemnisées. «Vous continuerez cependant à recevoir une pension pour les périodes non prestées mais elle sera plus faible. C'est une des mesures du gouvernement qui veut valoriser le travail. Cela aura évidemment des conséquences sur ceux qui ne travaillent pas, Mais c'est un choix politique qui est cohérent avec ce gouvernement. Les droits dérivés coûtent très cher. Ce sont des milliards qui sont dépensés», explique Jean Hindriks qui a été un des cerveaux de la commission qui a établi un diagnostic de l'état de nos pensions, diagnostic sur lequel le ministre des pensions Daniel Bacquelaine a établi sa réforme.

Aujourd'hui, des personnes peuvent partir à 60 ans et recevoir une pension équivalente à quelqu'un qui part à 65 ans grâce aux périodes assimilées. «C'est une anomalie belge. Ça n'existe que chez nous. Le drame belge au niveau des pensions, c'est que tout le monde partait avant 60 ans. La réforme permet de mieux prendre en compte la durée effective d'une carrière, de refléter les années de travail», argumente Jean Hindriks.

La quadruple peine pour les femmes

Deux critères définissent désormais l'accès à la pension: l'âge et la durée moyenne d'une carrière. L'âge avait déjà été harmonisé entre hommes et femmes. La durée de carrière, avec la réforme, l'est désormais aussi en étant fixé à 45 ans. «Cet effet est beaucoup plus dur pour les femmes, souligne Jean Hindriks. Elles vont voir leurs conditions d'accès à la pension reculer et, en plus, elles auront une pension rabotée.»

La réalité du marché du travail est ce qu’elle est. Vie féminine a rassemblé des données qui sont éloquentes. Les femmes gagnent un salaire annuel inférieur de 22% à celui des hommes. Elles représentent 81% de l’ensemble des travailleurs à temps partiel. Les femmes représentent 47% de la population active. Elles sont nettement surreprésentées dans trois catégories de travail mal cotées: le travail à perspectives de carrière limitées, le travail exigeant émotionnellement et le travail indécent.

Les syndicats, et en particulier les organisations de femmes, réclament donc que la notion de pénibilité spécifique aux femmes soit pris en compte: infirmières, enseignantes prestant dans plusieurs écoles, employées du nettoyage, caissières... Toutes doivent accomplir des travaux dont la pénibilité physique et psychique n’est pas reconnue.

Par ailleurs, la pension de survie va être supprimée. Or 98,49% des bénéficiaires de la pension de survie sont des femmes. Le droit à la pension de survie fait partie des droits dérivés: ce n’est pas un droit propre. Les femmes y ont accès grâce à leur mariage avec un travailleur.

Quelles solutions?

«En commission pensions, nous avions développé un chapitre sur la dimension familiale, l'idée d'un partage de pension entre homme et femme, de solidarité au sein d'un ménage. Les réformes appliquent des durées de carrière sur base du modèle masculin. Pour les familles monoparentales, on peut imaginer des compensations. Des pays comme l'Allemagne donnent des droits à ceux qui restent à la maison pour s'occuper des enfants», avance Jean Hindriks.

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