Concernant plus de 100.000 travailleurs, près de 800.000 familles et plus de 2.000 entreprises, le dispositif titre-service est au cœur de l’agenda politique compte tenu de l’importance du budget public mobilisé qui s’élève à plus d’un milliard d’euros pour 2009. Ce dispositif témoigne d’une évolution profonde des modes de régulation publique dans le champ des services aux personnes désormais ouvert à une mise en concurrence de prestataires très diversifiés. Ainsi des organisations aussi diverses que des ASBL, des entreprises d’insertion, des agences d’intérim, des PME ou des CPAS opèrent aujourd’hui au sein de ce dispositif. Ce numéro présente les résultats d’une recherche financée par Service public fédéral de la politique scientifique et réalisée par l’équipe économie sociale du CERISIS/CIRTES (UCL) et du centre d’économie sociale (ULg). Cette recherche porte sur la qualité de l’emploi et de l’organisation du service dans ce champ d’activité et ce de manière comparative entre les différents types d’opérateurs.
Une des spécificités centrales du système titre-service est d’imposer une triangulation de la relation de service, en plaçant cette dernière sous l’égide d’une entreprise agréée. L’étude montre que la qualité d’emploi et de l’organisation du service est surtout garantie par une «triangulation» de la relation de service, c’est-à-dire un réel investissement de l’entreprise dans l’accompagnement du travailleur et de l’usager. Si certains prestataires, tels que les organisations d’aide au domicile (ASBL ou organisations publiques agréées par les régions) et les organisations d’économie sociale ou publiques, poursuivant une mission d’insertion, encadrent davantage leurs travailleurs et leurs utilisateurs, d’autres développent dans les faits, un mode de prestation «mandataire», dans lequel l’entreprise est avant tout chargée des formalités administratives mais où elle n’assure que peu d’encadrement de la relation de service tissée entre l’utilisateur et le travailleur. L’enjeu ici est de savoir dans quelles circonstances et dans quelle mesure une telle évolution est acceptable (voire souhaitable ?) pour les différentes parties prenantes, y compris bien sûr pour les travailleurs. Au sein des entreprises à but lucratif, il convient de différencier assez nettement les sociétés de travail intérimaire des autres sociétés commerciales, généralement des PME. Les sociétés d’intérim semblent privilégier leur capacité d’adaptation aux desiderata de leurs utilisateurs et la minimisation des coûts, au détriment de la qualité des emplois qu’elles rendent aussi flexibles que possible. Cette volonté de maximiser productivité et rentabilité semble être moins prégnante dans le chef des autres opérateurs privés à but lucratif hors intérim.
Du point de vue financier, il faut souligner que si les prestataires bénéficient tous de la subvention titre-service, une diversité apparaît quant aux sources complémentaires de financement public (aides à l’emploi, subsides régionaux). Une analyse de la viabilité financière des différents types d’opérateurs titre-service s’avère particulièrement complexe compte tenu de cette diversité, des commissions paritaires compétentes et des performances différenciées en matière de qualité d’emploi et d’organisation de service. Il ressort des simulations qu’un travailleur équivalent temps plein (ETP) d’ancienneté nulle et sans aide à l’emploi dégage une marge positive (parfois faiblement) chez la plupart des prestataires. Avec aide à l’emploi (toujours sans ancienneté), un ETP est (très) rentable chez l’ensemble des prestataires, en particulier chez ceux qui cumulent diverses sources de financement. Par contre, après quatre ans d’ancienneté, la marge dégagée par un ETP est négative chez la quasi-totalité des prestataires compte tenu des effets liés à l’accroissement de l’ancienneté des travailleurs et à la dégressivité tant des aides à l’emploi que de certaines subventions régionales. Par conséquent, seuls les prestataires dont le taux d’activité (le rapport entre les heures de ménage prestées au domicile des utilisateurs – et donc subsidiées – et le total des heures payées au travailleur) est (très) élevé parviennent à maintenir une marge positive. Il va de soi que la rentabilité «globale» d’une organisation dépendra du nombre de travailleurs avec et sans aide à l’emploi ainsi que de l’ancienneté de l’ensemble du personnel.