Évolution de l’emploi en Belgique : tentons d’y voir plus clair
Dans ce numéro de Regards économiques, trois questions sont étudiées. D’une part, nous examinons si, en Belgique, la relation entre l’emploi et l’activité économique s’est renforcée au cours des dernières années. D’autre part, nous essayons de déterminer quels sont les principaux facteurs qui, en Belgique, ont contribué à la forte création d’emplois depuis 2015. Enfin, nous apportons quelques éléments d’analyse sur les impacts possibles sur l’emploi de la politique de modération salariale mise en œuvre en Belgique entre 2015 et 2018. Les résultats principaux de notre analyse sont les suivants.
Entre 2015 et 2018, près de 230.000 nouveaux emplois ont été créés en Belgique, dont 158.000 dans le secteur salarié privé. Notre analyse a mis en évidence qu’une part non négligeable (40 %) de ces créations d’emplois provient de facteurs qui ne sont pas propres à la période considérée, en raison d’une inertie importante dans l’évolution de l’emploi. Et parmi les emplois supplémentaires qui sont le résultat de facteurs spécifiques aux quatre dernières années écoulées, les conditions économiques jouent un rôle prépondérant, d’un ordre de grandeur cinq fois plus élevé que l’évolution du coût du travail. Certes, les pouvoirs publics ont des leviers d’action pour soutenir l’activité économique mais, dans une économie très ouverte comme la Belgique, celle-ci est en grande partie déterminée par celle de nos partenaires commerciaux.
Récemment, plusieurs études ont entrepris d’évaluer quel a été l’impact de la politique de modération salariale menée par le gouvernement sortant sur les créations nettes d’emplois enregistrées au cours des dernières années. Selon au moins deux études dont nous avons connaissance (FEB, 2017; Bijnens et Konings, 2019), l’impact estimé est très positif : + 140.000 emplois et + 75.000 emplois salariés supplémentaires dans le secteur privé, pour ces deux études respectivement. Nos résultats suggèrent que l’impact est plus modeste, et ce pour deux raisons.
Premièrement, notre analyse ne révèle pas l’existence de rupture dans l’intensité en emplois de la croissance économique sur la période étudiée (1995-2018). Il nous semble que si les mesures de réduction du coût du travail (les récentes ainsi que celles prises par les gouvernements précédents) avaient eu un impact positif important sur la création d’emplois, une rupture aurait été détectée, comme cela est le cas pour l’Allemagne et les Pays-Bas.
En second lieu, les résultats de nos simulations montrent que l’ensemble des mesures d’abaissement du coût du travail prises pendant la législature qui se termine aurait permis la création de 59.000 emplois supplémentaires dans l’ensemble de l’économie et de 27.500 unités si on se limite à l’emploi salarié dans le secteur privé (comme le font les études de la FEB, 2017 et de Bijnens et Konings, 2019). En tenant compte du nécessaire financement de certaines mesures et de leurs effets retour potentiellement positifs sur la croissance économique, nous estimons que l’impact global de la politique de modération salariale devrait être légèrement supérieur au chiffrage généré par nos simulations.
On en parle dans la presse...
- lecho.be, 03.05.2019 : "Le doute s'insinue dans le bilan économique de Michel", interview de Muriel Dejemeppe par Benoît Mathieu.
- Le Soir, pages 1 et 2, 02.05.2019 : "Effet de la suédoise : 30.000 jobs créés en 4 ans", interview de Muriel Dejemeppe par Dominique Berns.
- rtbf.be, 02.05.2019 : "30.000, 70.000, 140.000: combien d'emplois ont réellement été créés par le gouvernement Michel ?", interview de Muriel Dejemeppe.
- rtbf.be, 02.05.2019 : "40% des emplois créés entre 2015 et 2018 dus aux politiques prises avant l'actuelle législature", interview de Muriel Dejemeppe par Michel Gassée.
- canalz.levif.be, 02.05.2019 : "Selon l'Ires, le gouvernement Michel n'aurait créé que 30.000 emplois dans le secteur privé", interview de Muriel Dejemeppe par Jean-Michel Herbint.