L’inflation actuelle en Belgique requiert une réaction collective équilibrée
Ce nouveau numéro de Regards économiques part du constat que l’inflation est élevée en Belgique et plus forte que chez la plupart de nos voisins. Comme ce fut le cas par exemple dans les années 1970, l'origine principale du choc d’inflation est une hausse de prix des biens importés, au premier rang desquels figurent les prix des énergies fossiles. Ceci engendre un appauvrissement de la «collectivité Belgique», formée des ménages, des entreprises et de l’État (en ce compris la sécurité sociale). La manière de partager cet appauvrissement entre ces composantes de la société est un enjeu de taille. La nature du choc subi fait qu’une composante particulière ne peut porter seule le poids de l’ajustement.
L’inflation sous-jacente, qui fait abstraction de l'évolution des prix des produits énergétiques et des produits alimentaires non transformés, est également élevée et supérieure à celle de la plupart de nos voisins. Ceci fait craindre qu’une inflation importante et comparativement plus élevée s’incruste en Belgique.
Parmi les facteurs responsables de la singularité belge en matière d’inflation, il y a une transmission plus rapide et plus forte des prix de gros des énergies aux utilisateurs finaux et, plus généralement, un manque de concurrence sur certains marchés. Il y a aussi la fréquente présence, dans les contrats, de clauses d’indexation liées à un indice de prix à la consommation. Ces constats n’ont rien de nouveau.
L’appauvrissement collectif de la Belgique est important et, même s’il y a des perspectives d’atténuation du choc de prix des énergies fossiles, la durée de ce choc demeure incertaine et sa propagation aux autres prix préoccupante.
Le point de vue défendu ici est qu’il y a lieu d’intervenir sur la période 2023-2024 au niveau de tous les mécanismes d’indexation automatique et au niveau de la formation des prix en Belgique. Une intervention limitée à l’indexation automatique des salaires et des allocations sociales manquerait d’efficacité et serait déséquilibrée. Il s’agit donc aussi de freiner l’indexation des loyers et celle qui est présente dans les autres contrats.
Il y a lieu de limiter temporairement l’indexation automatique des salaires et des allocations sociales, mais la manière de le faire est cruciale. Une suspension momentanée de l’indexation automatique sous la forme du «saut d’index» d’avril 2015 aurait, dans le contexte actuel, des répercussions fort préoccupantes au sein des premiers déciles de la distribution des revenus. Pour éviter cet écueil, il est recommandé de maintenir l’indexation automatique inchangée jusqu’à un seuil de salaire ou d’allocation sociale et de la limiter temporairement de manière progressive au-delà.
Une action sur la formation des prix en Belgique doit également être un chantier urgent. Quoi que le niveau européen décide au niveau du plafonnement du prix du gaz naturel, le chantier de la révision des modes de tarification du gaz et de l’électricité en Belgique devrait être prioritaire. En s’appuyant sur l’expertise disponible en Belgique, les autorités belges devraient aussi rapidement étudier la possibilité de bloquer temporairement certains prix dans des secteurs dont la viabilité n’est pas menacée.
On en parle dans la presse...
- La Libre, 22.12.2022, p.22: "Un saut d'index serait extrêment douloureux", interview de Bruno Van der Linden par Antonin Marsac.
- L'Echo, 22.12.2022, p.8: "Tous les mécanismes d’indexation devraient être temporairement freinés", interview de Bruno Van der Linden par Corentin Di Prima.
- Sud Presse, 22.12.2022, p.11: "Une forme de blocage des prix n’est pas à exclure", article de Didier Swysen.