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Numéro 22 - Mai 2004

Le rail belge s'ouvre à la concurrence.
Peut-on tirer parti de l'expérience étrangère ?

couve verteLa Commission européenne vient, en mars 2004, d’adopter une nouvelle série de réformes pour revitaliser le transport par chemin de fer. Les nouvelles directives (le «troisième paquet ferroviaire») prévoient l’ouverture d’ici 2010 du transport de passagers à la concurrence. Dans ce numéro de Regards économiques, nous analysons au travers de l’expérience de deux pays, l’Allemagne et l’Angleterre, les conséquences probables de la libéralisation du secteur sur le rail belge.    

Ces deux pays ont en effet profondément modifié leur marché ferroviaire depuis 1994, mais les moyens mis en œuvre sont cependant différents. L’Angleterre a choisi une privatisation rapide du rail accompagnée d’un démantèlement de l’opérateur historique British Rail et a confié la gestion de l’infrastructure à Network Rail (ex-Railtrack), une société indépendante des opérations de transport. La privatisation du rail s’est accompagnée de nombreux incidents : accidents (Hatfield), retards, baisse de la qualité du service, faillite de Railtrack. Résultat : le rail britannique est fortement décrié. L’Allemagne a par contre choisi une réforme plus graduelle où l’opérateur historique Die Bahn reste un acteur important malgré l’arrivée de nombreux concurrents privés, et continue de gérer à la fois l’infrastructure (via sa filiale DB Netz) et les opérations de transport. Les autorités régionales (Länders) jouent également un rôle important dans l’organisation du secteur. De manière générale, les performances du rail se sont améliorées depuis 1994.

En Belgique, la SNCB va bientôt se transformer en une société holding formée de deux filiales, l’une chargée de la gestion de l’infrastructure (Infrabel), l’autre des opérations de transport (qui gardera le nom SNCB). Cette réforme doit s’accompagner d’une amélioration des performances de la société et d’une réforme structurelle pour mettre en adéquation le rail belge avec le nouveau contexte européen. De plus, la régionalisation du transport ferroviaire sera probablement discutée après les élections du 13 juin, et les décisions prises sur ce point conditionneront les futures performances du secteur.  

•    Hausse des performances : en 2003, le résultat opérationnel de la SNCB (EBIT) fut de – 110 millions d’euros. Pour rivaliser avec ses concurrents, la société doit absolument améliorer ses performances tant dans le transport de marchandises que celui de passagers. L’avenir de la société dans le marché européen doit passer par une hausse sensible de son résultat opérationnel. La reprise d’une partie de la dette historique de la société par l’Etat (prévue par la directive européenne 91/440/EC) permettra en outre d’améliorer le résultat financier de la SNCB.

•    Réformes structurelles : dans le marché libéralisé, toutes les entreprises ferroviaires auront accès au réseau ferroviaire belge. L’arrivée probable de nouveaux opérateurs doit s’accompagner d’une régulation du secteur et d’une révision du financement des missions de service public.

  1. Réguler l’accès à l’infrastructure. Les directives européennes prévoient que le gestionnaire d’infrastructure alloue les sillons (infrastructure requise pour faire circuler un train donné d’un point à un autre à un moment donné) aux différents prestataires de service de manière transparente et non discriminatoire. Il faut donc instaurer un organe de contrôle qui vérifie que les concurrents sont traités de manière équitable. Ce contrôle est particulièrement nécessaire lorsque les opérations de transport et la gestion de l’infrastructure sont gérées au sein d’une même entreprise. En Allemagne, depuis la libéralisation du marché, les entreprises concurrentes se plaignent périodiquement du fait que Die Bahn avantage ses filiales dans le processus d’allocation des sillons. L’absence de régulation est un frein à l’introduction de la concurrence et au développement du marché.
  2. Le financement du service : dans l’actuel contrat de gestion, l’Etat spécifie l’offre minimale de services et alloue une dotation forfaitaire à la société. Actuellement, les lignes non rentables sont financées grâce à cette dotation de l’Etat et au surplus des lignes rentables. À l’avenir, les concurrents de la SNCB viendront s’installer prioritairement sur les segments rentables du marché, privant la société de revenus auparavant destinés au financement du service public. Le financement des missions de service public doit donc être entièrement revu et adapté à ce nouveau contexte. Deux options sont possibles : soit, pour l’exploitation des lignes non rentables, l’Etat et l’opérateur s’entendent sur un niveau de service et son financement. Au lieu d’une dotation forfaitaire, l’état alloue une dotation spécifique à chaque ligne. Ce système, utilisé en Allemagne pour le transport régional, met fin aux subsides croisés (les lignes non rentables sont financées grâce au surplus des lignes rentables et à la dotation de l’Etat) et facilite l’introduction de la concurrence via la procédure d’appel d’offre. Soit, on constitue un fond destiné au financement du service public; fond alimenté en partie par l’Etat et en partie par les compagnies. Chaque compagnie qui opère une ligne rentable contribue au fond. Chaque compagnie qui opère une ligne non rentable reçoit un subside du fond.

•    Régionalisation : la séparation de la filiale infrastructure en deux sociétés régionales est techniquement très difficile à mettre en œuvre. De plus, l’Europe ne reconnaît qu’un seul gestionnaire de réseau par pays, notamment pour la délivrance des certificats de sécurité. Cependant, il possible que l’on régionalise en partie le financement de l’infrastructure. La régionalisation, même partielle, du financement du réseau modifiera l’organisation du secteur. Les bailleurs de fonds voudront probablement obtenir le meilleur rendement sur leurs investissements. Un moyen pour y parvenir serait d’augmenter les revenus provenant des redevances d’infrastructure en permettant un plus large accès au réseau des opérateurs concurrents.

 

L’Etat fédéral pourrait également confier aux régions le financement d’une partie des missions de service public. Ceci aurait pour conséquence probable le développement de compagnies ferroviaires régionales. La régionalisation pourrait aussi avoir comme conséquence l’augmentation de la concurrence dans le secteur.

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